D’Armstrong à Nougaro, de New-York à Toulouse

Né en septembre 1929, Claude Nougaro aurait eu 90 ans cette année. Comment “Go Down Moses”, classique Negro spiritual s’est retrouvé au répertoire du poète français pour en faire un classique de son répertoire ?

“Go Down Moses” est un classique du répertoire negro-spiritual. En effet, inspiré par la Bible, ce chant reprend le message de Moïse au Pharaon, lui demandant de laisser partir son Peuple.

Moise et son Peuple représente les esclaves africains d’Amérique alors que l’Egypte et le Pharaon représentent les maitres esclavagistes.

Go Down Moses a été le premier negro spiritual publié, d’abord en Virginie par le National Anti-Salvery Standard (12 octobre 1861) puis dans le New York Tribune (21 décembre 1861), au début de la guerre de Sécession, pour appuyer le dessein libérateur des Nordistes.

La douleur et la peine d’un peuple réduit à l’esclavage

Ce chant met en lumière la douleur et la peine d’un peuple réduit à l’esclavage. Ainsi la liberté, une espérance en la fin prochaine de l’esclavage, l’espoir, la victoire et un désir de vengeance sont des idées forces de ce gospel.

Il est le negro spiritual le plus connu et compte 25 couplets qui parcourent l’itinéraire de l’Exode. Le message de ce cantique de la liberté coulé en langage biblique était tellement clair qu’il fut interdit de le chanter dans plusieurs plantations.

C’est le 7 Février 1958 que ce morceau est enregistré à New-York par Louis Armstrong.

Louis Armstrong- Go Down Moses (1958)

De “Go down Moses” à “Armstrong”

Près de 10 ans plus tard, en 1967… « Armstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau est la 1ère phrase d’une des plus célèbres chansons de Claude Nougaro « Armstrong ».

Le poète toulousain rend hommage au trompettiste américain qui berça ses jeunes années et dont il écoutait, adolescent, les morceaux à la radio.

Lorsqu’il compose « Armstrong », Claude Nougaro s’inspire de la mélodie du chant : Go Down Moses, un classique du répertoire Gospel, qui reprend les textes de l’Exode.

A l’origine entonné par les esclaves noirs américains, qui rêvaient de quitter leur vie de misère et de soumission pour une vie meilleure, Claude Nougaro en fait un pamphlet contre le racisme : « On voit surtout du rouge, du rouge, sang, sang, sans trêve, ni repos »

Comme à son habitude, le poète toulousain joue avec les mots pour exprimer que malgré nos colères et nos peurs, nous ne sommes pas si différents : « noirs et blancs sont ressemblants comme deux gouttes d’eau ».

S’il rend hommage évidemment à Louis Armstrong, on peut étendre sa chanson à tous ces chanteurs noirs américains qui ont « chanté l’Histoire », leurs racines, le temps honteux de l’esclavage et de l’apartheid social et culturel américain… pas si lointain. Nougaro relève la futilité des apparences ; ne pas faire d’une couleur le signe extérieur d’une personnalité.

« Armstrong un jour tôt ou tard, on est que des os. Est-ce que les tiens seront noirs ? Ce serait rigolo ! 

Claude Nougaro – “Armstrong” Zénith PARIS (1989)